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concitoyens que la faculté de mourir est une de celles dont ne peut nous priver un tyran. Déchiré par les cris de cinq enfans qui lui demandaient du pain, il leur ordonna de le suivre ; il se rendit tranquillement et en silence sur l’un des ponts du Tibre, et après s’être couvert le visage, il se précipita dans la rivière, sous les yeux de sa famille et du peuple romain. Bessas vendait aux citoyens riches et pusillanimes la permission de sortir de la ville[1] ; mais la plupart de ces fugitifs expiraient sur les grands chemins, ou se trouvaient arrêtés par des détachemens de Barbares. Sur ces entrefaites, l’artificieux gouverneur, pour calmer le mécontentement et ranimer l’espoir des Romains, faisait répandre que des flottes et des armées venaient à leur secours des extrémités de l’Orient. La nouvelle certaine du débarquement de Bélisaire dans le port du Tibre les tranquillisa davantage ; et sans examiner quelles étaient ses forces, ils comptèrent sur l’humanité, la bravoure et l’habileté de ce grand général.

Tentative de Bélisaire.

Totila avait eu soin de préparer des obstacles dignes d’un tel adversaire. À quatre-vingt-dix stades au-dessous de la ville, et dans la partie la plus étroite

  1. Procope ne dissimule pas la cupidité de Bessas, l. III, c. 17, 20. Il expia la perte de Rome par la glorieuse conquête de Pétra (Goth., l. IV, c. 12) ; mais il porta sur les bords du Phase les vices qu’il avait montrés sur les rives du Tibre ; et l’historien parle avec la même équité de son mérite et de ses défauts. Le châtiment que l’auteur du roman de Bélisaire inflige à l’oppresseur de Rome est plus conforme à la justice qu’à l’histoire.