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verte aux Romains. Les navires et les soldats furent rassemblés à Salone près du palais de Dioclétien ; Bélisaire fit la revue générale de ses troupes à Pola en Istrie, où il les laissa reposer quelques jours, et ensuite, côtoyant la mer Adriatique, il entra dans le port de Ravenne, et envoya des ordres plutôt que des secours aux villes subordonnées. Son premier discours public s’adressa aux Goths et aux Romains ; il leur annonçait au nom de l’empereur que ce prince avait suspendu pour quelque temps la conquête de la Perse et prêté l’oreille aux prières de ses sujets d’Italie ; il indiqua avec ménagement les causes et les auteurs des derniers désastres ; il s’efforça de dissiper la crainte d’être puni sur le passé, et l’espoir de l’impunité sur l’avenir ; et il travailla avec plus de zèle que de succès à établir une ligue d’affection et d’obéissance parmi tous ceux qui dépendaient de son gouvernement. Il ajouta que Justinien, son gracieux maître, se trouvait disposé à pardonner et à récompenser, et qu’il était de leur devoir, ainsi que de leur intérêt, de détromper leurs compatriotes séduits par les artifices de l’usurpateur. Aucun soldat n’eut la tentation d’abandonner les drapeaux du roi des Goths. Bélisaire découvrit bientôt qu’il avait été envoyé pour être le témoin oisif et impuissant de la gloire d’un jeune Barbare ; et sa lettre à l’empereur peint naturellement et vivement les angoisses d’une âme généreuse. « Très-excellent prince, lui mande-t-il, nous sommes arrivés en Italie, manquant d’hommes, d’armes, de chevaux et d’argent, c’est-à-dire, dé-