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absolu de vie et de mort[1], et lorsqu’un seigneur mariait sa fille, il lui donnait pour présent de noces un certain nombre d’esclaves utiles qui la suivaient dans un pays éloigné, enchaînés sur ses chariots de peur qu’ils ne s’échappassent[2]. La majesté des lois romaines protégeait la liberté du citoyen contre les effets du malheur et de son propre désespoir ; mais les sujets des rois mérovingiens pouvaient vendre leur liberté personnelle ; les exemples de cette aliénation étaient communs et habituels, et l’acte par lequel se consommait ce suicide légal, est énoncé dans les termes les plus affligeans et les plus honteux pour la dignité de la nature humaine[3]. L’exemple des pauvres qui, pour obtenir le soutien de leur vie, sacrifiaient ce que la vie offre de plus précieux, fut

  1. On trouve un détail de l’état et des professions des esclaves germains, italiens et gaulois, dans Heineccius, Elem. jur. Germ., l. I, nos 28-47 ; Muratori, Dissertations, 14, 15 ; Ducange, Gloss. sub voce servi ; et l’abbé de Mably, Observat., t. II, part. III, etc., p. 237, etc.
  2. Saint Grég. de Tours (l. VI, c. 45, t. II, p. 289) cite un exemple mémorable dans lequel Chilpéric ne fit, selon lui, qu’abuser des droits de maître. Il fit transporter de force en Espagne plusieurs familles qui appartenaient à ses domus fiscales, situées dans les environs de Paris.
  3. Licentiam habeatis mihi qualemcunque volueritis disciplinam ponere, vel venumdare, aut quod vobis placuerit de me facere. (Marculf., Formul., l. II, 28 ; t. IV, p. 497). La formule de Lindenbrog (p. 559) et celle d’Anjou (p. 565), servaient au même objet. Saint Grégoire de Tours (l. VII, c. 45, t. II, p. 311) parle de plusieurs personnes qui se vendirent pour obtenir du pain dans un temps de famine.