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nèrent les magistrats à éloigner une tentation si dangereuse, et à suppléer à l’incertitude des témoignages par les fameuses épreuves du feu et de l’eau. Ces étranges procédures étaient si arbitrairement combinées, que, dans beaucoup d’occasions, le crime, et dans d’autres, l’innocence, ne pouvait se découvrir sans le secours d’un miracle. La fraude et la crédulité y pourvurent bientôt. Les causes les plus obscures se décidaient par cette méthode facile et jugée infaillible ; et les Barbares indociles qui auraient dédaigné la sentence d’un magistrat, se soumettaient sans murmure au jugement du ciel[1].

Combats singuliers.

Mais les épreuves du combat singulier obtinrent bientôt une confiance et une autorité supérieures chez un peuple qui ne croyait pas que l’homme vaillant pût mériter une punition, et que le lâche méritât de vivre[2]. En matières civiles et criminelles, le plaignant ou accusateur, le défendeur et même le témoin, étaient exposés à recevoir un défi à mort de l’adversaire qui n’avait point de preuves légales

  1. Muratori, dans les Antiquités d’Italie, a donné deux dissertations (38, 39) sur les jugemens de Dieu. On supposait que le feu ne brûlerait point l’innocent, et que la pureté de l’eau ne lui permettrait point d’admettre un coupable dans son sein.
  2. Montesquieu (Esprit des Lois, l. XXVIII, c. 17) a entrepris d’expliquer et d’excuser la manière de penser de nos pères au sujet des combats judiciaires. Il suit cette étrange institution depuis le siècle de Gondebaut jusqu’à celui de saint Louis, et l’Antiquaire jurisconsulte oublie quelquefois la philosophie.