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toutes les lumières d’un esprit philosophique cultivé avec soin par l’étude et l’expérience, se trouvait rarement bien placé entre les mains de ces chefs ignorans et barbares, et leur ignorance les força de recourir à quelque méthode simple qui pût leur faire distinguer visiblement le bon droit. Dans tous les temps et dans toutes les religions, on a eu recours à la Divinité pour confirmer la vérité et punir les témoignages mensongers ; mais la simplicité des législateurs germains abusa de ce puissant moyen. L’accusé passait pour justifié, lorsqu’un certain nombre de témoins assuraient devant le tribunal qu’ils étaient sûrs ou même persuadés de son innocence. Plus l’accusation était grave et plus il fallait, pour s’en laver, de témoins à décharge. Il fallait soixante-douze voix pour disculper un incendiaire ou un assassin ; et dans une circonstance où la chasteté d’une reine de France parut suspecte, trois cents nobles jurèrent galamment, sans hésiter, que l’enfant dont elle était accouchée appartenait légitimement au défunt Chilpéric[1]. La fréquence et le scandale des parjures manifestes qu’occasionnait cette sorte de jugement, détermi-

    croire que, sous les rois mérovingiens, les scabini ou assesseurs fussent choisis par le peuple.

  1. Saint Grégoire de Tours, l. VIII, c. 9, t. II, p. 316. Montesquieu observe (Esprit des Lois, l. XXVIII, c. 13) que la loi Salique n’admettait point les preuves négatives si universellement établies dans les codes des Barbares : cependant cette concubine obscure, Frédégonde, qui devint la femme du petit-fils de Clovis, suivait sans doute la loi Salique.