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moyens de le montrer criminel. On distribua à différens chefs de l’armée les gardes et les vétérans attachés à sa personne ; les eunuques eux-mêmes osèrent entrer en partage de ses guerriers. Lorsqu’il traversa les rues de la capitale avec une suite peu nombreuse et de peu d’apparence, cet état d’abandon excita l’étonnement et la compassion du peuple. Justinien et Théodora le reçurent avec une froide ingratitude, les serviles courtisans avec insolence et avec mépris ; et le soir il regagna en tremblant son palais désert. Une indisposition feinte ou véritable retenait Antonina dans son appartement ; elle se retira avec un dédaigneux silence sous le portique voisin de sa chambre, tandis que Bélisaire se jeta sur son lit, où, dans une agonie de douleur et de crainte, il attendit la mort qu’il avait si souvent bravée sous les murs de Rome. Long-temps après le coucher du soleil, on lui annonça un message de l’impératrice. Il ouvrit avec frayeur la lettre qui contenait son arrêt. « Vous ne pouvez ignorer, lui écrivait Théodora, combien vous avez mérité mon déplaisir. Je suis sensible aux services que m’a rendus Antonina. C’est en considération de son mérite et de ses sollicitations que je vous accorde la vie, et que je vous permets de garder une partie de vos trésors, qu’il serait juste de confisquer au profit de l’État : témoignez de la reconnaissance à qui vous en devez ; et qu’elle ne se montre pas par de vaines paroles, mais dans toute la conduite du reste de votre vie. » Pourrai-je croire, pourrai-je décrire ce qu’on rap-