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l’Afrique. Le soir, Bélisaire mena son infanterie à l’attaque du camp, et la fuite honteuse de Gelimer prouve la vanité de ces paroles qu’il avait prononcées peu de temps auparavant, que pour les vaincus la mort est un bonheur, la vie un fardeau, et l’infamie la seule chose à redouter. Son départ fut secret ; mais aussitôt que les Vandales se furent aperçus que leur roi les abandonnait, ils se dispersèrent à la hâte, occupés seulement de leur sûreté personnelle, et oubliant tout ce qui peut être cher et précieux au cœur humain. Les Romains entrèrent sans résistance dans le camp des vaincus ; les ténèbres et la confusion de la nuit prêtèrent leurs voiles aux désordres les plus effrénés. Ils égorgèrent sans pitié tout Vandale qui se présenta devant eux. Les veuves et les filles des vaincus subirent le pouvoir et la brutalité des soldats dont leur beauté ou leur richesse enflammaient la licencieuse cupidité. L’avarice elle-même fut presque rassasiée du pillage de tant de trésors en or et en argent, accumulés par le despotisme et par l’économie durant une longue période de prospérité et de paix. Au milieu de cette licence, les troupes mêmes, personnellement attachées à Bélisaire, oublièrent leur circonspection et leur respect accoutumé. Enivrés de débauche et de rapine, ses soldats parcouraient seuls ou en petits détachemens, les champs voisins, les bois, les rochers et les cavernes capables de receler encore quelques richesses. Chargés de butin, ils quittaient leurs rangs et erraient sans guide sur le chemin de Carthage ; et si l’ennemi