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erreur, et déplora sa perte irréparable. Tandis que Sigismond pleurait sur le corps inanimé de son malheureux fils, il reçut un avertissement sévère d’un de ses officiers : « Ô roi ! lui dit-il, ce n’est point l’état de ton fils, mais le tien qui doit inspirer de la douleur et de la compassion ! » Le monarque coupable apaisa cependant le cri de sa conscience par les libéralités qu’il fit au monastère d’Agaunum ou Saint-Maurice, dans le Valais, qu’il avait fondé lui-même en l’honneur des martyrs imaginaires de la légion thébaine[1]. Sigismond y institua une psalmodie de prières continuelles ; il pratiquait les dévotions austères des moines, et suppliait le maître du monde de le punir de ses péchés avant sa mort. Sa prière fut exaucée, les ministres de vengeance n’étaient pas loin. Une armée de Francs envahit ses provinces. Après la perte d’une bataille, Sigismond, qui voulait conserver sa vie pour prolonger sa pénitence, se cacha dans le désert sous un habit religieux ; mais ses sujets découvrirent sa retraite, et le livrèrent à

  1. Avant la fin du cinquième siècle, l’église de Saint-Maurice et sa légion thébaine avaient fait d’Agaunum un lieu de pèlerinage. L’établissement du monastère régulier de Sigismond (A. D. 515) fit cesser quelques œuvres de ténèbres auxquelles donnait lieu une ancienne communauté des deux sexes. Cinquante ans après, les moines que Sigismond appelait ses anges de lumière firent une sortie nocturne, dans le dessein de massacrer l’évêque et son clergé. Voyez dans la Bibliothéque raisonnée (t. XXXVI, p. 435-438) les curieuses remarques d’un savant bibliothécaire de Genève.