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cette partie du monde à la faveur d’un fort vent de nord-est, et enfin jeta l’ancre au promontoire de Caput-Vada, à environ cinq journées de chemin au sud de Carthage[1].

Bélisaire débarque sur la côte d’Afrique. Septembre.

Si Gelimer eût été instruit de l’approche de l’ennemi, il aurait différé la conquête de la Sardaigne pour s’occuper de la défense de sa personne et de son royaume. Un détachement de cinq mille soldats et de cent vingt galères aurait joint ce qui lui restait de forces en Afrique, et le descendant de Genseric aurait pu surprendre et accabler des vaisseaux de transport à qui la pesanteur de leur chargement ôtait les moyens de combattre, et de légers brigantins qui ne semblaient propres qu’à la fuite. Bélisaire sentit une terreur secrète, lorsque, durant la traversée, il entendit ses soldats s’encourager l’un l’autre à manifester leurs craintes ; ils se disaient qu’une fois sur la côte, ils espéraient maintenir leur honneur ; mais ils ne rougissaient pas d’avouer que, si on les attaquait en mer, ils n’avaient pas assez de courage pour lutter à la fois contre les vents, les flots et les Barbares[2]. Instruit de leurs dispositions, le général saisit la pre-

  1. Le Caput vada de Procope, où Justinien fonda ensuite une ville (De ædific., l. VI, c. 6), est le promontoire d’Amon de Strabon, le Brachodes de Ptolémée, le Capaudia des modernes, et forme une bande longue et étroite qui se prolonge dans la mer. Shaw, Travels, p. 111.
  2. Un centurion de Marc-Antoine témoigna, quoique d’un ton plus courageux, la même aversion pour la mer et les combats maritimes. Voy. Plutarque, in Antonio, p. 1730, édit. de H. Étienne.