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de semer la discorde entre Justinien et son épouse chérie. Théodora fut réduite à dissimuler, à attendre une occasion favorable, et à mener une intrigue adroite, dans laquelle Jean de Cappadoce devait se perdre lui-même. Dans un moment où Bélisaire, s’il n’eût pas été un héros, eût pu se trouver poussé à devenir rebelle, sa femme Antonina, qui jouissait en secret de la confiance de l’impératrice, communiqua le mécontentement supposé de son mari à Euphémie, fille du préfet ; cette jeune fille crédule en avertit son père, et celui-ci, qui aurait dû connaître la valeur des sermens et des promesses, se laissa persuader d’accepter, de la femme de Bélisaire, un rendez-vous de nuit dont on pouvait faire un crime de trahison. Des gardes et des eunuques placés en embuscade, par ordre de Théodora, se précipitèrent, le glaive à la main, sur le ministre coupable qu’ils voulaient arrêter ou punir de mort. La fidélité des gens de sa suite le délivra ; mais au lieu d’en appeler à un souverain qui l’aimait et qui l’avait prévenu en particulier des dangers qu’il pouvait courir, il se réfugia lâchement dans une église. Le favori de Justinien fut sacrifié à la tendresse conjugale ou à la tranquillité domestique. Le préfet, obligé d’entrer dans les ordres, dut renoncer à ses ambitieuses espérances. Au reste, l’amitié de l’empereur allégea sa disgrâce ; et dans son exil peu rigoureux à Cyzique, il conserva une grande portion de ses richesses. Une vengeance si imparfaite ne pouvait satisfaire la haine inflexible de Théodora. Elle l’accusa du meurtre