Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/266

Cette page a été validée par deux contributeurs.

moins avec la connivence de Justinien et de Théodora. On y dédaignait les droits du mérite et même ceux de la faveur ; il y avait lieu de croire que l’audacieux intrigant qui faisait de la magistrature une affaire de finances, trouvait, dans l’exercice de ses fonctions, un moyen de se dédommager de son infamie, de ses travaux et des risques qu’il courait, enfin des dettes qu’il avait contractées et des intérêts considérables qu’il payait. Un sentiment de honte et les funestes effets d’un si détestable trafic réveillèrent enfin la vertu de Justinien ; il essaya par la religion du serment, par des peines sévères, de ramener l’intégrité dans les affaires de son gouvernement[1] ; mais après une année de parjures sans nombre, son édit fut suspendu, et la corruption, désormais sans frein, triompha insolemment de l’impuissance des lois. [Testament.]6o. Eulalius, comte des domestiques, nomma dans son testament l’empereur son seul héritier, à condition que le prince acquitterait les dettes et les legs ; qu’il pourvoirait d’une manière honnête à la subsistance des trois filles du testateur, et qu’à l’époque de leur mariage il leur donnerait à chacune une dot de dix livres d’or ; mais un incendie consuma la brillante fortune d’Eulalius, et à l’inventaire, ses biens se trouvèrent ne monter qu’à cinq cent

  1. Le serment était conçu dans les termes les plus effrayans. (Novell. 8, tit. 3.) On se dévouait à quicquid habent telorum armamentaria Cœli ; à partager l’infamie de Judas, à subir la lèpre de Giezi, les terreurs de Caïn, et de plus toutes les peines temporelles.