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prince, affectèrent, pour inspirer la terreur, un vêtement particulier et dans la forme de celui des Barbares ; ils adoptèrent la longue chevelure, les larges habits et les manches serrées des Huns, une démarche fière et une voix bruyante. Le jour, ils cachaient leurs poignards à deux tranchans ; mais on les trouvait la nuit, armés, et en troupes nombreuses, prêtes à toute espèce de violence et de rapines. Ces brigands dépouillaient et souvent assassinaient les Verts, et même les citoyens paisibles ; et il était dangereux de porter des boutons et des ceintures d’or, ou de se montrer, après le coucher du soleil, dans les rues de la paisible capitale de l’Orient. Leur audace, accrue par l’impunité, osa pénétrer dans les maisons des particuliers ; ils devenaient incendiaires, pour faciliter leur attaque ou cacher leurs crimes ; aucun lieu ne mettait à l’abri de leurs insultes ; le sang innocent était versé sans scrupule pour satisfaire leur avarice ou leur vengeance ; des meurtres atroces souillaient les églises et les autels, et les assassins se vantaient de leur adresse à donner la mort d’un seul coup de leur poignard. La jeunesse dissolue de Constantinople se rangea du parti auquel était permis le désordre. Les lois gardaient le silence, les liens de la société civile étaient relâchés ; on forçait les créanciers à rendre leurs titres ; les juges, à révoquer leurs arrêts ; les maîtres, à affranchir leurs esclaves ; les pères, à fournir aux profusions de leurs enfans ; et de nobles matrones, à se prostituer à leurs domestiques : on enlevait des bras de leurs parens