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oncle. Elle parvint peut-être à le tromper sur le prix de ses faveurs qu’elle avait prodiguées si souvent aux hommes des classes les plus viles ; peut-être enflamma-t-elle, d’abord par de modestes refus et ensuite par des caresses voluptueuses, les désirs d’un amant que son tempérament ou sa dévotion avait habitué à de longues veilles et à la plus sévère tempérance. Lorsque les premiers transports de Justinien furent calmés, Théodora sut conserver, par son caractère et son esprit, l’ascendant qu’elle avait acquis par ses charmes. Il se plut à relever et à enrichir l’objet de ses amours ; il répandit à ses pieds les trésors de l’Orient ; et le neveu de Justin, déterminé peut-être par des scrupules religieux, résolut de donner à sa concubine le caractère sacré de son épouse ; mais les lois de Rome défendaient expressément le mariage d’un sénateur avec une femme déshonorée par une extraction servile ou par la profession du théâtre. L’impératrice Lupicina ou Euphemia, née d’une famille de Barbares, de mœurs grossières, mais d’une vertu sans tache, ne voulait point d’une prostituée pour sa nièce ; Vigilantia elle-même, la mère de Justinien, remplie de frayeurs superstitieuses, quoiqu’elle convînt de l’esprit et de la beauté de Théodora, craignait que la légèreté et l’arrogance de cette artificieuse maîtresse ne corrompissent la piété et ne troublassent le bonheur de son fils. L’inébranlable constance de Justinien triompha de ces obstacles. Il attendit patiemment la mort de l’impératrice ; il méprisa les larmes de sa mère, qui