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mère une fois, mais une seule fois. L’enfant, sauvé par son père et élevé sous ses yeux en Arabie, apprit de lui, à sa mort, qu’il était fils d’une impératrice. Plein d’ambitieuses espérances, et ne soupçonnant aucun danger, le jeune homme se hâta d’arriver à la cour, et il fut admis en présence de sa mère. Comme on ne le revit plus, même après la mort de Théodora, ce fut avec justice que la femme de Justinien fut exposée à l’affreux soupçon d’avoir étouffé par un crime un secret si contraire à sa gloire impériale.

Elle épouse Justinien.

Ce fut dans cet état de profonde abjection que d’après un songe ou quelque rêve de son imagination, elle conçut l’idée flatteuse qu’elle deviendrait l’épouse d’un puissant monarque : occupée de sa grandeur prochaine, elle quitta la Paphlagonie et revint à Constantinople. Elle prit, en habile comédienne, le maintien de la décence ; habile à filer la laine, elle vécut honnêtement de son travail ; elle affecta de mener une vie chaste et retirée dans une petite maison, dont elle fit ensuite un magnifique temple[1]. Sa beauté, aidée de l’artifice ou du hasard, attira et captiva Justinien, alors patrice, qui exerçait déjà un empire absolu sous le nom de son

  1. Anonym., de Antiq., C. P., l. III, 132 ; in Banduri imperium Orient., t. I, p. 48. Ludewig (p. 154) observe judicieusement que Théodora devenue impératrice, n’aurait pas voulu immortaliser un mauvais lieu ; et je suppose qu’elle bâtit le temple sur les fondemens de la maison plus décente qu’elle habita à son retour de la Paphlagonie.