Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/215

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pris une forme humaine pour détruire le genre humain[1]. Ces honteuses variations ternissent sans doute la réputation de Procope, et nuisent à la confiance qu’il pourrait inspirer ; toutefois, lorsqu’on a mis à l’écart ce que lui dicte sa malignité, on trouve que le fond de ses anecdotes, et même les faits les plus honteux dont il avait laissé entrevoir quelques-uns dans son histoire publique, sont appuyés sur la vraisemblance ou sur des témoignages authentiques et contemporains[2]. À l’aide de ces différens matériaux, je vais décrire le règne de Justinien, qui mérite d’occuper un grand espace. Je détaillerai dans ce chapitre l’élévation et le caractère de Théodora, les factions du Cirque, et la paisible administration du souverain de l’Orient. [Division du règne de Justinien.]Je raconterai dans les trois chapitres suivans, les guerres qui achevèrent la conquête de l’Afrique et de l’Italie, et je dirai les

  1. On y dit que Justinien était un âne ; qu’il ressemblait en tout à Domitien (Anecdot., c. 8) ; que les amans de Théodora furent chassés de son lit par des démons leurs rivaux ; qu’on avait prédit son mariage avec un grand démon ; qu’un moine vit un jour sur le trône le prince des démons à la place de Justinien ; que les domestiques qui veillaient dans son appartement y aperçurent un visage sans traits marqués, un corps sans tête, qui marchait, etc. Procope déclare qu’il croyait, ainsi que ses amis, à tous ces contes diaboliques, c. 12.
  2. Montesquieu (Considér. sur la grand. et la décad. des Romains, c. 20) adopte ces anecdotes, et il les trouve d’accord, 1o. avec la faiblesse de l’empire : 2o. avec l’instabilité des lois de Justinien.