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pour déguiser cette usurpation des terres, dont une partie devait se trouver vacante. On dispersa sans ordre sur la surface de l’Italie ces hôtes fâcheux, et le lot de chaque Barbare fut proportionné à sa naissance et à ses emplois, au nombre des hommes de sa suite, et à celui des esclaves et des têtes de bétail qu’il possédait. On établit les distinctions de nobles et de plébéiens[1] ; mais tout homme libre posséda sa terre franche d’impôts, et jouit de l’inestimable privilége de n’être soumis qu’aux lois de son pays[2]. La mode et même la commodité firent bientôt adopter aux vainqueurs l’habit plus élégant des habitans du pays ; mais ils continuèrent à se servir de la langue gothique, et Théodoric lui-même, d’après leurs préjugés ou d’après les siens, applaudit à leur mépris pour les écoles latines, en déclarant que l’enfant qui avait tremblé devant une verge, n’oserait jamais soutenir la vue d’une épée[3]. La misère engagea quelquefois le Romain indigent à

  1. Lorsque Théodoric donna sa sœur au roi des Vandales, elle fit voile pour l’Afrique avec une garde de mille nobles de race gothique, dont chacun était suivi de cinq hommes armés. (Procope, Vandal., l. I, c. 8.) Il parait que la noblesse, chez les Goths, était aussi nombreuse que brave.
  2. Voy. les déclarations de la liberté des Goths. Var., V, 30.
  3. Procope, Goth., l. I, c. 2. Les enfans des Romains apprirent la langue des Goths (Variar., VIII, 21). On ne peut opposer à ce qu’on sait de leur ignorance l’exemple d’Amalasonthe, qui, comme femme, pouvait se livrer à l’étude sans rougir ; et de Théodat, qui excitait par son savoir l’indignation et le mépris de ses compatriotes.