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Goths eurent soin d’emmener leurs femmes, leurs enfans, leurs vieillards, et d’emporter leurs effets les plus précieux ; et les deux mille chariots qu’ils perdirent dans une seule action de la guerre d’Épire donneront une idée des bagages qui suivaient leur camp durant la guerre d’Italie. Ils tiraient leur subsistance de leurs magasins de blé, dont leurs femmes elles-mêmes réduisaient le grain en farine dans des moulins portatifs, du lait et de la chair de leurs troupeaux, du produit incertain de la chasse, et des contributions qu’ils exigeaient de quiconque osait leur disputer le passage ou leur refuser des secours. Mais dans le cours d’une marche de sept cents milles, entreprise au milieu d’un hiver rigoureux, ils échappèrent avec peine aux maux de la famine. Depuis la chute de la puissance romaine, la Dacie et la Pannonie n’offraient plus ces villes peuplées, ces champs bien cultivés, et ces routes commodes qu’on y avait vus autrefois ; l’empire de la barbarie et de la désolation avait recommencé ; et les tribus de Bulgares, de Gépides et de Sarmates qui occupaient cette province, excitées par leur farouche valeur ou par les sollicitations d’Odoacre, voulurent arrêter son ennemi. Théodoric livra une foule de combats obscurs, mais sanglans, où il demeura vainqueur ; et après avoir enfin, à force d’habileté et de constance, surmonté tous les obstacles, il passa les Alpes Juliennes, et déploya sur les confins de l’Italie[1] ses invincibles drapeaux.

  1. Ennodius expose et éclaircit la marche de Théodoric