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vaux ; ils te suivent maintenant au milieu des déserts de la Thrace, à pied comme des esclaves, ces hommes que tu as trompés, en leur faisant espérer de mesurer l’or au boisseau, ces braves gens qui sont aussi libres et aussi nobles que toi. » Un discours si analogue au caractère des Goths excita les cris des mécontens[1] ; et le fils de Théodemir, craignant de se voir abandonné, fut réduit à embrasser la cause des Triariens, et à imiter la perfidie romaine.

Dans toutes les vicissitudes de sa fortune, Théodoric fit également reconnaître sa prudence et sa fermeté, soit lorsqu’il menaça Constantinople à la tête des Goths confédérés, soit lorsqu’il se retira avec une troupe fidèle sur les montagnes et la côte d’Épire. Enfin la mort inopinée du fils de Triarius[2] dérangea l’équilibre que les Romains avaient mis tant de soin à conserver. Toute la nation reconnut la supré-

  1. Jornandès (c. 56, 57, p. 696) expose les services de Théodoric ; il avoue les récompenses que ce prince avait reçues des Romains ; mais il dissimule sa révolte, dont Malchus nous a conservé les curieux détails (Excerpt. leg., p. 78-97). Marcellin, domestique de Justinien sous le quatrième consulat duquel (A. D. 534) il composa sa Chronique (Scaliger, Thesaur. tempor., part. II, p. 34-57), laisse voir sa partialité et ses préjugés : In Græciam debacchantem… Zenonis munificentiâ pene pacatus… beneficiis nunquam satiatus, etc.
  2. Il montait au milieu de son camp un cheval fougueux ; il fut jeté sur la pointe d’une pique qui se trouvait suspendue devant une tente, ou fixée sur un chariot. (Marcell., in Chron. Evagr., l. III, c. 25.)