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de s’élever dans la route de la perfection ; mais on peut présumer raisonnablement qu’à moins d’une révolution générale qui bouleverse la face du globe, aucun des peuples qui l’habitent ne retombera dans sa barbarie originelle. Nous envisagerons les progrès de la société sous trois aspects ; 1o. Le poète et le philosophe éclairent leur pays et leur siècle par les efforts d’un seul génie ; mais ces prodiges de raison ou d’imagination, sont des productions libres et rares. Le génie d’Homère, de Cicéron ou de Newton exciteraient moins d’admiration, s’ils pouvaient être créés par les ordres d’un prince ou par les leçons d’un précepteur. 2o. Les avantages des lois, de la politique, du commerce, des manufactures, des sciences et des arts sont plus solides et plus durables ; l’éducation et l’instruction peuvent rendre un grand nombre d’hommes, dans leurs différentes situations, utiles à l’intérêt de la communauté ; mais cet ordre général est l’effet du travail et de l’intelligence. Le temps peut dégrader cette machine compliquée, et la violence peut l’altérer. 3o. Mais les arts les plus utiles, ou du moins les plus nécessaires, peuvent, heureusement pour le genre humain, s’exercer sans talens supérieurs et sans subordination nationale, sans le génie d’un seul ou l’union d’un grand nombre. Un village, une famille, ou même un individu, ont toujours assez d’intelligence et de volonté pour perpétuer l’usage du feu[1] et des métaux, la pro-

  1. Il est certain, quoique ce fait soit extraordinaire, que plusieurs peuples ont ignoré l’usage du feu. Les ingénieux