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presque d’un langage qui puisse les exprimer[1]. De cette situation abjecte, peut-être l’état primitif et universel de l’homme, il est parvenu à dompter les animaux, à fertiliser la terre, à traverser l’océan, et à mesurer les cieux. Ses progrès, dans le développement et dans l’usage de ses facultés mentales et corporelles[2], ont été irréguliers et divers ; très-lents dans le principe, ils se sont étendus par degrés avec une rapidité toujours croissante ; une chute subite a souvent détruit en un instant les travaux pénibles de plusieurs siècles, et tous les climats de la terre ont éprouvé successivement les vicissitudes de la lumière et de l’obscurité. Cependant l’expérience de quatre mille ans doit diminuer nos craintes et encourager nos espérances. Nous ne saurions déterminer à quelle hauteur le genre humain est capable

  1. Il serait aussi aisé que fastidieux de produire les autorités des poètes, des philosophes et des historiens ; et je me contenterai d’en appeler au témoignage authentique et décisif de Diodore de Sicile, t. I, l. I, p. 11, 12 ; l. III, p. 184, etc., éd. Wesseling. Les Ichthyophages qui erraient de son temps sur les côtes de la mer Rouge, ne peuvent se comparer qu’aux Sauvages de la Nouvelle-Hollande. (Voyage de Dampier, vol. I, p. 464-469.) L’imagination ou peut-être la raison, peut supposer un état de pure nature fort inférieur à celui de ces Sauvages, qui avaient acquis quelques arts et quelques outils.
  2. Voy. le savant et judicieux ouvrage du président Goguet, de l’Origine des Lois, des Arts et des Sciences. Il cite quelques faits, et propose des conjectures (t. I, p. 147-337, édit. in-12) sur les premiers pas de l’invention humaine, qui furent sans doute les plus difficiles.