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dépouilles et des trophées de Rome, ils y firent rentrer les eaux ; et, pour que l’endroit qui recelait le corps du victorieux Alaric fut à jamais un secret, ils massacrèrent inhumainement tous les prisonniers qu’ils avaient employés à l’exécution de cet ouvrage[1].

Adolphe, roi des Goths, fait la paix avec l’empire et marche dans la Gaule. A. D. 412.

L’embarras du moment suspendit les animosités personnelles et les rivalités héréditaires des Barbares ; ils placèrent, d’une voix unanime, le brave Adolphe sur le trône de son beau-frère Alaric. Rien ne peut donner au lecteur une idée plus juste du caractère et du système politique de ce nouveau roi des Goths, que sa conversation avec un des premiers citoyens de la ville de Narbonne, qui, dans un pèlerinage qu’il fit à la Terre-Sainte, la rendit à saint Jérôme en présence de l’historien Orose. « Dans la confiance qu’inspirent la valeur et la victoire, dit Adolphe, j’ai fait autrefois le projet de changer la face de l’univers, d’en effacer le nom des Romains, d’élever le royaume des Goths sur leurs ruines, et d’acquérir, comme Auguste, la gloire immortelle de fondateur d’un nouvel empire ; mais l’expérience m’a peu à peu convaincu qu’il faut des lois pour maintenir la constitution d’un état, et que le caractère indocile et féroce des Goths n’est point susceptible de se soumettre à la contrainte salutaire d’un gouvernement civil. Dès ce moment, je me suis fait un autre plan de gloire et d’ambition, et mon plus sincère désir est

  1. Jornandès. De reb. get., c. 30, p. 654.