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insensiblement cette unité de morale et de jurisprudence qui s’est conservée entre les nations de l’Europe moderne, bien qu’indépendantes et souvent ennemies les unes des autres, et les a distinguées du reste du genre humain.

Ils adoptent l’hérésie d’Arius.

Mais l’opération de ces causes bienfaisantes fut long-temps arrêtée et ralentie par l’effet du malheureux hasard qui avait infecté d’un poison mortel la coupe du salut. Quels qu’aient été les premiers sentimens d’Ulphilas, ses liaisons avec l’empire et avec l’Église s’étaient formées durant le règne de l’arianisme. L’apôtre des Goths signa la confession de foi de Rimini, soutint publiquement, et peut-être de bonne foi, que fils n’était ni égal, ni consubstantiel au père[1], communiqua cette erreur au peuple et au clergé, et infecta toutes les nations barbares d’une hérésie[2] que Théodose-le-Grand avait proscrite et éteinte chez les Romains. Le caractère et

  1. Les opinions d’Ulphilas et des Goths inclinaient vers le semi-arianisme, puisqu’ils ne convenaient pas que le fils fût une créature, quoiqu’ils reçussent dans leur communion ceux qui maintenaient cette doctrine. Leur apôtre représenta toute cette controverse comme une question de peu d’importance, et qui n’en avait acquis que par les emportemens du clergé, l. IV, c. 37.
  2. On a imputé l’hérésie des Goths à l’empereur Valens. Itaque justo Dei judicio ipsi eum vivum incenderant, qui propter eum etiam mortui, vitio erroris arsuri sunt. Orose, l. VII, c. 33, p. 554. Cette sentence cruelle est confirmée par Tillemont (Mém. ecclés., t. VI, p. 604-610), qui dit froidement : « Un seul homme entraîna dans l’enfer un nombre