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saient scandaleusement des richesses acquises par les vertus austères de leurs fondateurs[1]. L’œil d’un philosophe verra peut-être sans surprise et sans colère, des vertus pénibles et dangereuses faire place aux vices ordinaires de l’humanité.

Leur solitude.

La vie des premiers moines se passait dans la solitude et dans la pénitence, sans être jamais interrompue par ces occupations propres à remplir le temps et à exercer les facultés d’un être raisonnable, actif et naturellement sociable. Un religieux ne sortait jamais de son couvent sans être accompagné d’un de ses frères ; ils se servaient mutuellement de garde et d’espion, et devaient, à leur tour, oublier ou taire ce qu’ils avaient vu ou entendu dans le monde. Tous ceux qui professaient la foi orthodoxe pouvaient entrer dans les monastères ; mais ils n’étaient admis que dans un appartement séparé, et l’on n’exposait à leur

    femmes de passer la nuit dans un couvent d’hommes, et réciproquement aux couvens de femmes de donner l’hospitalité nocturne à des hommes. Le septième concile général, le second de Nicée, canon 20 (dans Beveridge, t. I, p. 325), défend l’institution de monastères composés des deux sexes ; mais il paraît, d’après Balsamon, que cette défense fut inefficace. Voyez Thomassin (t. III, p. 1334-1368), relativement aux dépenses et aux irrégularités du clergé et des moines.

  1. J’ai lu ou entendu raconter quelque part l’aveu sincère d’un abbé de l’ordre des bénédictins : « Mon vœu de pauvreté m’a valu cent mille écus de rente ; mon vœu d’obéissance m’a élevé au rang de prince souverain. » Je ne me rappelle pas ce que lui a valu son vœu de chasteté.