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le Barbare accumula des trésors, eut une armée à lui, fit des traités particuliers, et exerça en Italie l’autorité indépendante et despotique qu’y exercèrent depuis Odoacre et Théodoric. Mais les Alpes bornaient ses états ; [Révolte de Marcellin en Dalmatie.]deux généraux romains, Marcellin et Ægidius, demeurèrent fidèles à la république, et rejetèrent dédaigneusement le fantôme qu’il décorait du nom d’empereur. Marcellin suivait l’ancienne religion ; et les païens dévots, qui désobéissaient en secret aux lois de l’Église et de l’état, respectaient ses connaissances dans l’art de la divination : mais il possédait des qualités plus estimables, la science, le courage et la vertu[1] ; il s’était perfectionné le goût par l’étude de la littérature latine, et ses talens militaires lui avaient acquis l’estime du grand Ætius, qui l’enveloppa dans sa ruine : mais il évita par la fuite la fureur de Valentinien, et maintint hardiment son indépendance au milieu des révolutions de l’empire d’Occident. Majorien récompensa la soumission volontaire ou forcée de Marcellin, en lui confiant le gouvernement de la Sicile et le commandement d’une armée placée dans cette île pour attaquer ou arrêter les Vandales ; mais à la mort de Majorien, les intrigues et l’or de Ricimer firent révolter ses soldats. À la tête d’une troupe fidèle, Marcellin s’empara de la Dalmatie, prit le titre de patrice de l’Occident, mé-

  1. Tillemont, que les vertus des infidèles scandalisent toujours, attribue ce portrait avantageux de Marcellin, conservé par Suidas, au zèle partial des auteurs païens. Hist. des emper., l. VI, p. 330.