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multitude qui subsistait de ses charités, préférait les discours édifians de l’éloquent archevêque aux jeux du cirque et aux amusemens du théâtre. Les monumens de cette éloquence, qu’on admira durant près de vingt ans à Antioche et à Constantinople, ont été soigneusement conservés ; et la possession de plus de mille sermons ou homélies a mis les critiques des siècles suivans[1] en état d’apprécier le mérite de saint Chrysostôme. Ils reconnaissent unanimement, dans l’orateur chrétien, une abondante et élégante facilité, le talent de déguiser les avantages qu’il tirait de la rhétorique et de la philosophie, un fonds inépuisable de métaphores, d’idées et d’images qui varient et embellissent les sujets les plus simples et les plus communs ; enfin l’art heureux de faire servir les passions à l’avantage de la vertu, et de démontrer la honte et l’extravagance du vice avec l’énergie et la vérité, pour ainsi dire, d’une représentation dramatique.

Son administration pastorale et ses défauts. A. D. 398-403.

Le zèle de l’archevêque, dans ses fonctions pastorales, irrita et réunit peu à peu contre lui des ennemis de deux espèces différentes : le clergé, qui

  1. N’ayant qu’une connaissance fort légère des volumineux ouvrages de saint Chrysostôme, j’ai donné ma confiance aux critiques ecclésiastiques dans lesquels j’ai trouvé le plus d’impartialité et de modération. Érasme, tom. III, p. 1344 ; et Dupin, Bibl. eccles., t. III, p. 38. Cependant, le bon goût du premier est corrompu quelquefois par l’excès de son attachement pour l’antiquité ; et le bon sens du second est toujours retenu par des considérations de prudence.