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les calamités d’une province accablée au dehors par la guerre et au dedans par la tyrannie. Les vertus de Julien ne la soulagèrent que passagèrement ; son absence et sa mort enlevèrent bientôt à la Bretagne son bienfaiteur. L’avarice des commandans militaires retenait les sommes d’or et d’argent recueillies avec peine dans le pays, ou accordées par la libéralité de la cour pour le payement des soldats. On vendait publiquement les décharges ou du moins les exemptions du service militaire. La détresse des soldats indignement privés de la faible portion de subsistance que leur accordait la loi, les forçait à déserter en grand nombre. Tous les liens de la discipline étaient relâchés, et les grands chemins étaient infestés de voleurs[1]. L’oppression des bons citoyens et l’impunité des scélérats contribuaient également à répandre dans l’île l’esprit de mécontentement et de révolte ; et tout sujet ambitieux, tout exilé sans ressource, aurait pu aisément se flatter de renverser le gouvernement faible et odieux de la Bretagne. Les tribus guerrières de la partie septentrionale, qui délestaient l’orgueil et la puissance du roi du monde, suspendirent leurs dissensions particulières ; et les Barbares des côtes et de l’intérieur, les Pictes, les Écossais et les Saxons, inondèrent rapidement, avec une violence irrésistible, tout le pays depuis le mur d’Antonin jusqu’à la côte maritime de Kent. La riche

  1. Libanius, orat. parent., c. 39, p. 264. Ce passage curieux a échappé aux recherches de nos antiquaires bretons.