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qui, avec des menaces et des cris d’insulte, en firent un trophée de leur victoire. On reprit l’étendard ; mais les Bataves, aux yeux de leur juge sévère, n’avaient pas encore réparé la honte de leur fuite. Valentinien était persuadé que ses soldats, avant de parvenir à mépriser leurs ennemis, devaient apprendre à redouter leur commandement. Il fit assembler solennellement ses troupes, et les Bataves se virent avec effroi environnés de toute l’armée impériale. L’empereur monta sur son tribunal, et, dédaignant de punir des lâches par la mort, il imprima une tache d’ignominie indélébile sur les officiers dont l’inconduite et la pusillanimité avait été la première cause de cette défaite honteuse. On dégrada les Bataves de leur rang, on leur ôta leurs armes, et ils furent condamnés à être vendus comme esclaves au dernier enchérisseur. À cette épouvantable sentence, les coupables se prosternèrent, tachèrent de fléchir l’indignation de leur souverain, et promirent, si on daignait leur accorder encore une épreuve, de se montrer dignes du nom de Romains et de ses soldats. Valentinien feignit d’y consentir avec répugnance ; les Bataves reprirent leurs armes et en même temps l’inébranlable résolution de laver leur honte dans le sang des Allemands[1]. Dagalaiphus refusa de

  1. Ammien, XXVII, 1 ; Zosime, l. IV, p. 208. Le soldat contemporain passe sous silence la honte des Bataves, par égard pour l’honneur militaire, qui ne pouvait intéresser un rhéteur grec du siècle suivant.