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mettre à la tête d’une telle armée qui mériterait le nom de romaine et en déploierait le courage ; à attaquer la race des Barbares qui n’a d’autre valeur qu’une impétuosité peu durable, et à ne point quitter les armes qu’il ne les ait repoussés dans les déserts de la Scythie, ou réduits dans l’état de servitude où les Lacédémoniens tenaient précédemment les Ilotes[1]. La cour d’Arcadius souffrit le zèle, applaudit à l’éloquence et négligea l’avis de Synèse. Peut-être le philosophe, en adressant à l’empereur d’Orient un discours vertueux et sensé qui aurait pu convenir au roi de Sparte, n’avait-il pas daigné songer à rendre son projet praticable dans les circonstances où se trouvait un peuple dégénéré ; peut-être la vanité des ministres à qui les affaires laissent rarement le temps de la réflexion, rejeta-t-elle comme ridicule et insensé tout ce qui excédait la mesure de leur intelligence, ou s’éloignait des formes et des préjugés établis. Tandis que le discours de Synèse et la destruction des Barbares faisaient le sujet général de la conversation, un édit publié à Constantinople déclara la promotion d’Alaric au rang de maître général de l’Illyrie orientale. Les habitans des provinces romaines, et les alliés qui avaient respecté la foi des traités, virent avec une juste indignation récompenser si libéralement le destructeur de la Grèce et de l’Épire. Le Barbare victorieux fut reçu en qualité de magistrat légitime dans les villes

  1. Synèse, De regno, p. 21-26.