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impériale n’estimerait leur adresse et leur intelligence qu’en proportion du nombre des sentences capitales émanées de leurs tribunaux. Ne se déterminant à absoudre qu’avec la plus grande répugnance, ils cherchaient ardemment, dans des témoignages ou parjures ou forcés par les tourmens, de quoi prouver le crime le moins probable contre le citoyen le plus estimé. La suite de chaque procédure fournissait à chaque moment de nouveaux sujets de poursuite criminelle ; l’audacieux délateur, dont l’imposture avait été découverte, se retirait avec impunité ; mais la malheureuse victime qui trahissait ses complices réels ou prétendus obtenait rarement la vie pour prix de son infamie. Jeunes gens et vieillards étaient traînés, chargés de chaînes, de l’extrémité de l’Italie et de l’Asie au tribunal de Rome ou d’Antioche ; les sénateurs, les matrones et les philosophes expiraient dans les tortures et dans les supplices les plus ignominieux. Les soldats chargés de garder les prisons déclaraient avec des murmures d’indignation et de pitié, qu’ils n’étaient pas assez nombreux pour s’opposer à la fuite ou à la résistance de la multitude des prisonniers qu’on y entassait. Les amendes et les confiscations ruinaient les familles les plus opulentes. Les citoyens les plus innocens tremblaient pour leur vie ; et nous pouvons nous faire une idée de l’excès du mal par l’assertion exagérée d’un ancien écrivain, qui prétend que dans les provinces exposées à la persécution,