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apologistes éloquens du paganisme qu’ils changeassent ou dissimulassent leurs opinions religieuses. Les païens jouissaient du droit de dire et d’écrire leurs sentimens avec la plus excessive liberté. Les fragmens historiques et philosophiques d’Eunape[1], de Zosime et des prédicateurs fanatiques de l’école de Platon, sont remplis des plus violentes invectives contre les principes et contre la conduite de leurs adversaires. Si ces audacieux libelles étaient publics, nous devons applaudir à la sagesse des princes chrétiens, qui voyaient d’un œil de mépris ces derniers efforts de la superstition et du désespoir[2] ; mais ils faisaient exécuter à la rigueur les lois qui proscrivaient les sacrifices et les cérémonies du paganisme, et chaque jour contribuait à détruire une religion soutenue par l’habitude plutôt que par le raisonnement. La dévotion d’un poète ou d’un philosophe peut se nourrir en secret par la prière, l’étude et la méditation ; mais les sentimens religieux du

  1. Zosime, qui se qualifie du titre de comte et d’ancien avocat du trésor, diffame indécemment les princes chrétiens, et même le père de son souverain. Il est probable que cet ouvrage se distribuait avec précaution, puisqu’il a échappé aux invectives des historiens ecclésiastiques antérieurs à Évagre (l. III, c. 40-42), qui vivait à la fin du sixième siècle.
  2. Cependant les païens d’Afrique se plaignaient de ce que le malheur des temps ne leur permettait pas de répondre avec liberté à la Cité de Dieu. Saint Augustin (V, 26) ne nie point le fait.