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de Jupiter, dont il n’était distingué que par le panier ou boisseau placé sur sa tête, et par la figure emblématique du monstre qu’il portait dans sa main droite ; ce monstre offrait le corps et la tête d’un serpent qui se partageait en trois queues, terminées chacune par une tête, l’une de chien, l’autre de lion et la troisième de loup. On affirmait avec confiance que si la main d’un mortel impie osait insulter à la majesté du dieu, le ciel et la terre rentreraient à l’instant dans le chaos. Un soldat intrépide, animé par le zèle, et muni de sa hache d’armes, monta à l’échelle, et les chrétiens eux-mêmes n’étaient pas sans inquiétude sur l’événement du combat[1]. Le soldat frappa un coup violent sur la joue de Sérapis ; elle tomba à terre ; le tonnerre ne gronda point, les cieux et la terre conservèrent leur ordre et leur tranquillité. Le soldat victorieux continua de frapper ; l’énorme idole fut renversée et mise en pièces, et ses membres furent ignominieusement traînés dans les rues d’Alexandrie. Sa carcasse mutilée fut brûlée

  1. Sed fortes tremuêre manus, motique verendâ
    Majestate loci, si robora sacra ferirent,
    In sua credebant redituras membra secures.

    (Lucain, III, 429.) « Est-il vrai, dit Auguste à un vétéran chez lequel il soupait, que celui qui frappa le premier la statue d’or d’Anaïtis, fut à l’instant privé de la vue, et mourut presque au même moment ? — C’est moi, répondit le vétéran, jouissant de ses deux yeux, qui suis celui dont vous parlez, et c’est d’une des jambes de la déesse que vous soupez aujourd’hui. » (Pline, Hist. natur., XXXIII, 24.)