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insurmontable obligea l’archevêque à laisser subsister les fondemens, et à se contenter d’avoir fait du bâtiment un vaste amas de ruines. On en déblaya dans la suite une partie, pour construire sur le terrain une église en l’honneur des saints martyrs. La précieuse bibliothèque d’Alexandrie fut pillée et détruite, et près de vingt ans après, les cases vides excitaient le regret et l’indignation de ceux chez qui les préjugés religieux n’avaient pas tout-à-fait obscurci le bon sens[1]. Les œuvres du génie des anciens, dont un si grand nombre sont irrévocablement perdues, auraient pu être exceptées de la ruine de l’idolâtrie, pour l’amusement et pour l’instruction de la postérité. Le zèle ou l’avarice du prélat[2] auraient dû se trouver satisfaits des riches dépouilles, qui furent le prix de sa victoire. Tandis que l’on fondait avec soin, les vases et les effigies d’or et d’argent, et que l’on voyait les objets moins précieux brisés avec mépris et dispersés dans les rues, Théophile travaillait à faire connaître les fraudes et les vices des ministres des idoles, leur adresse à se

  1. Nos vidimus armaria librorum, quibus direptis, exinanita ea à nostris hominibus, nostris temporibus memorant. (Orose, l. VI, c. 15, p. 421, édit. Havercamp.) Quoique bigot et controversiste, Orose rougit de cette dévastation.
  2. Eunape, dans les Vies d’Antonin et d’Ædesius, parle avec horreur du brigandage sacrilége de Théophile. Tillemont (Mém. ecclés., t. XIII, p. 453) cite une épître d’Isidore de Péluse, qui reproche au primat le culte idolâtre de l’or, auri sacra fames.