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pas être du nombre des dieux ou des monstres enfantés par la fertile superstition des Égyptiens[1]. Le premier des Ptolémées avait reçu en songe l’ordre d’apporter ce mystérieux étranger de la côte du Pont, où les habitans de Sinope l’adoraient depuis long-temps ; mais son règne et ses attributs étaient si obscurs, que l’on disputa long-temps pour savoir s’il représenterait la brillante lumière du jour ou le monarque ténébreux des régions souterraines[2]. Les Égyptiens, inviolablement attachés à la religion de leurs ancêtres, refusèrent d’admettre dans l’enceinte de leur ville cette divinité étrangère[3] ; mais les prêtres dociles, séduits par la libéralité de Ptolémée, se soumirent sans résistance au pouvoir de la divinité du Pont. On lui fit une généalogie honorable et nationale, et cet heureux usurpateur prit sa place sur le trône et dans le lit d’Osiris[4],

  1. Gérard Vossius (oper., t. V, p. 80, et De idolatr., l. I, c. 29) tâche de défendre l’étrange opinion des Pères, qu’on adorait en Égypte le patriarche Joseph comme le bœuf Apis et le dieu Sérapis.
  2. Origo Dei nondum nostris celebrata, Ægyptiorum antistites sic memorant, etc. Tacit., Hist. IV, 83. Les Grecs qui avaient voyagé en Égypte, ignoraient aussi l’existence de cette nouvelle divinité.
  3. Macrob., Saturnal., l. I, c. 7. Ce fait atteste évidemment son extraction étrangère.
  4. On avait réuni à Rome Isis et Sérapis dans le même temple. La préséance que conservait la reine pourrait indiquer son alliance obscure avec l’étranger venu du Pont. Mais la supériorité du sexe féminin était, en Égypte, une