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peut attribuer la conversion précipitée du sénat qu’à une impulsion surnaturelle ou à des motifs d’intérêt personnel ; et une partie de ces prosélytes forcés laissa voir dans toutes les circonstances favorables une disposition secrète à dépouiller le masque odieux de la dissimulation : mais ils se confirmèrent dans la nouvelle religion à mesure que la destruction de l’ancienne parut plus inévitable. Ils cédèrent à l’autorité de l’empereur, à l’usage des temps et aux sollicitations de leurs femmes et de leurs enfans, dont le clergé de Rome et les moines de l’Orient gouvernaient la conscience[1]. Presque toute la noblesse imita l’exemple édifiant de la famille Anicienne : les Bassi, les Paulini et les Gracques embrassèrent la religion chrétienne. « Les flambeaux de l’univers, la vénérable assemblée des Catons, tels sont les magnifiques expressions de Prudence, se hâtaient de quitter leurs habits pontificaux, de se dépouiller de la peau du vieux serpent, pour se revêtir de la robe blanche de l’innocence baptismale, et humilier l’orgueil des faisceaux consulaires sur la tombe des martyrs[2]. » Les citoyens qui subsistaient du fruit

    qui n’a été le partage que d’un bien petit nombre d’entre eux.

  1. Saint Jérôme cite le pontife Albinus, dont la famille chrétienne, les enfans et les petits-enfans étaient en si grand nombre, qu’ils auraient suffi pour convertir Jupiter lui-même : étrange prosélyte ! (t. I, ad Lætam, p. 54.)
  2. Exsultare patres videas, pulcherrima mundi
    Lumina ; conciliumque senûm gestire Catonum,