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proche de la nuit favorisa la fuite ou la retraite tumultueuse des Romains. Théodose, retiré sur les montagnes, passa une nuit douloureuse dans l’inquiétude, sans provisions et sans autre espoir[1] que celui qui, au milieu des situations les plus désespérées, se soutient toujours dans une âme forte, capable de mépriser la fortune et la vie. Tandis que les troupes d’Eugène célébraient leur triomphe dans son camp par les orgies d’une joie insolente, le vigilant Arbogaste fit occuper les passages des montagnes par un corps nombreux, pour couper l’arrière-garde des ennemis, et Théodose aperçut au point du jour tout l’excès du danger de sa situation. Mais les chefs de ce corps firent bientôt cesser les craintes de l’empereur, en lui envoyant offrir de passer sous ses drapeaux. Théodose accorda sans hésiter toutes les récompenses honorables et lucratives qu’ils exigeaient pour prix de leur perfidie ; et au défaut d’encre et de papier, qu’il n’était pas facile de se procurer, il écrivit sur ses propres tablettes la ratification du traité. Un renfort si nécessaire ranima le courage de ses soldats, ils retournèrent avec confiance, pour surprendre dans son camp un usurpateur dont les principaux officiers semblaient révoquer en doute les droits ou les succès. Au fort de la

  1. Théodoret affirme que saint Jean et saint Philippe apparurent à l’empereur éveillé ou endormi, montés sur des chevaux, etc. C’est la première apparition de la cavalerie apostolique, qui se renouvela souvent en Espagne et dans les croisades.