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la voix de la politique ou de l’intérêt personnel, ses amis auraient trouvé moyen de le justifier ; mais la générosité de sa conduite, dans cette occasion mémorable, a arraché les applaudissemens de ses plus implacables ennemis : il replaça Valentinien sur le trône de Milan, rendit au prince détrôné toutes les provinces enlevées par Maxime, sans rien stipuler à son avantage, soit pour le présent ou pour l’avenir, et y ajouta le don magnifique de tous les pays au-delà des Alpes, que son heureuse valeur avait reconquis sur le meurtrier de Gratien[1]. Satisfait de la gloire qu’il avait acquise en vengeant son bienfaiteur et en délivrant l’Occident du joug de la tyrannie, l’empereur quitta Milan pour retourner à Constantinople, et dans la paisible possession de son empire, retrouva bientôt ses habitudes de luxe et d’indolence. Il remplit également ses devoirs envers le frère de Valentinien, et ce que lui prescrivait sa tendresse conjugale pour la sœur de ce jeune empereur ; la postérité, qui admire la pure et singulière gloire dont le couvrit son élévation, applaudira de même à l’incomparable générosité avec laquelle il usa de la victoire.

Caractère de Valentinien. A. D. 391.

L’impératrice Justine ne survécut pas long-temps à son retour en Italie, et quoiqu’elle ait encore été témoin du triomphe de Théodose, elle n’eut pas le

  1. Το‌υτο περι το‌υς ευεργετας καθηκον εδοξεν ειναι. Telle est la misérable louange de Zosime (l. IV, p. 267). Saint Augustin se sert d’une expression plus heureuse : Valentinianum… misericordissimâ veneratione restituit.