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que ne pouvait atteindre la justice humaine, à respecter les lois et les ministres d’un juge invisible. « Le prince, dit Montesquieu, qui aime la religion et qui la craint, est un lion qui cède à la main qui le flatte ou à la voix qui l’apaise[1]. » Les forces de ce puissant animal sont conséquemment à la disposition de celui qui a acquis sur lui cette dangereuse autorité ; et le prêtre qui dirige la conscience d’un souverain peut enflammer ou contenir ses passions sanguinaires au gré de son inclination ou de son intérêt. Saint Ambroise a défendu alternativement la cause de l’humanité et celle de la persécution avec la même véhémence et le même succès. Après la défaite et la mort de l’usurpateur de la Gaule, Théodose fut maître absolu dans toute l’étendue du monde romain : [Générosité de Théodose. A. D. 388-391.]il régnait sur les provinces de l’Orient par le choix honorable de Gratien, et sur celles de l’Occident par le droit de conquête. Le vainqueur employa utilement trois années de séjour en Italie à rétablir l’autorité des lois et à réformer les abus qui s’étaient introduits sous l’administration de Maxime et sous la minorité de Valentinien. Les actes publics portaient toujours le nom de Valentinien ; mais l’àge et la foi suspecte du fils de Justine exigeaient toute la prudence d’un tuteur orthodoxe. Théodose aurait pu lui ôter l’administration de ses états ou le renverser du trône sans s’exposer à des combats ou même à des murmures. S’il avait écouté

  1. Esprit des Lois, l. XXIV, c. 2.