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peur. L’ambassadeur dirigea la marche des auxiliaires, et on les admit sans méfiance dans les forteresses des Alpes ; mais le perfide Maxime les suivit précipitamment, et sans bruit, avec le reste de son armée. Comme il avait soigneusement intercepté tous les avis qu’on aurait pu avoir sur ses mouvemens, la réverbération du soleil réfléchie par les armes, et la poussière qu’élevait la cavalerie, furent la première annonce que l’on reçut de l’arrivée d’un ennemi aux portes de Milan. Dans cette extrémité, Justine et son fils ne pouvaient que regretter leur imprudence et accuser la perfidie de Maxime ; mais ils n’avaient ni le temps, ni la force, ni le courage nécessaires pour résister à une armée de Germains, soit en rase campagne, soit dans les murs d’une grande ville remplie de sujets mécontens ; la fuite était leur seule ressource, et Aquilée leur seul refuge. Maxime ne daignait plus dissimuler la perversité de son caractère, et le frère de Gratien pouvait attendre de son assassin le même sort que lui. Maxime entra dans Milan en triomphe ; et quoique le sage archevêque de Milan évitât le crime et le danger de communiquer avec l’usurpateur, en refusant toute relation avec lui, il contribua peut-être indirectement au succès de ses armes, en prêchant aux citoyens le devoir de la résignation plutôt que celui de la résistance[1]. L’infortunée Justine

  1. Baronius (A. D. 387, no 63) applique à ces temps de calamités publiques quelques-uns des sermons pénitentiaux de l’archevêque.