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que Dieu seul pouvait l’apaiser. Il priait l’Être suprême de détourner les scènes de sang et de confusion qui paraissaient près de commencer, et de ne pas le laisser survivre à la destruction d’une ville florissante, qui entraînerait peut-être la désolation de toute l’Italie[1]. » L’opiniâtre bigotterie de Justine aurait hasardé l’empire de son fils, si, dans cette contestation avec l’Église et le peuple de Milan, elle avait pu compter sur l’obéissance active des troupes du palais. Un corps considérable de Goths s’était mis en marche pour s’emparer de la basilique qui faisait l’objet de la dispute, et on pouvait présumer que des étrangers mercenaires, qui réunissaient des mœurs barbares et des principes ariens, exécuteraient sans scrupule les ordres les plus sanguinaires. L’archevêque les attendait à la porte de l’église, et, fulminant contre eux une sentence d’excommunication, il leur demanda, du ton d’un père et d’un maître, si c’était pour envahir la maison de Dieu qu’ils avaient imploré des Romains asile et protection. Les Barbares s’arrêtèrent incertains ; un délai de quelques heures fut employé à des négociations

  1. Le cardinal de Retz reçut de la reine un message semblable. Elle le priait d’apaiser les troubles de Paris ; il répondit qu’il n’en était plus le maître ; « à quoi j’ajoutai tout ce que vous pouvez imaginer de respect, de douleur, de regret et de soumission. » (Mém., t. I, p. 140.) Je ne prétends sûrement pas comparer ni les temps ni les hommes ; cependant le coadjuteur (p. 84) semble avoir eu en quelque sorte l’idée d’imiter saint Ambroise.