Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/285

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que nous remarquerons l’humanité, peut-être peu conséquente, de saint Ambroise, évêque de Milan[1], et de saint Martin, évêque de Tours[2], deux saints des plus illustres de l’Église, qui en cette occasion défendirent la cause de la tolérance. Ils eurent pitié des malheureux exécutés à Trèves, et refusèrent toute relation avec les évêques qui les avaient condamnés. Si saint Martin s’écarta ensuite de cette résolution généreuse, ses motifs étaient louables et sa pénitence fut exemplaire. Les évêques de Tours et de Milan prononçaient sans hésiter la damnation éternelle des hérétiques ; mais le spectacle sanglant de leur mort temporelle faisait horreur à ces respectables prélats ; les préceptes de la théologie n’effaçaient pas de leur âme les sentimens de la nature, et l’irrégularité scandaleuse des procédures faites contre Priscillien et ses adhérens échauffa encore leur humanité. Les ministres civils et ecclésiastiques avaient exercé leur autorité hors des limites de leur juridiction. Le juge séculier reçut un appel et prononça une sentence définitive, qui, en matière de foi, appartient à la justice ecclésiastique[3], et les

  1. Saint Ambroise, t. II, épit 24, p. 891.
  2. Dans l’Histoire Sacrée et la Vie de saint Martin, Sulpice-Sévère est fort circonspect ; mais il s’exprime avec plus de liberté dans les Dialogues (III, 15). Cependant saint Martin fut vigoureusement tancé par un ange et par le cri de sa propre conscience, et trouva depuis beaucoup moins de facilité à faire des miracles.
  3. Sulpice-Sévère, prêtre catholique (l. II, p. 448) et