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était en quelque sorte partager son crime. Laisser Maxime impuni était d’ailleurs donner une atteinte funeste aux lois de la justice et à l’intérêt de la société ; et le succès d’un usurpateur tendait à détruire l’édifice artificiel du gouvernement, et à replonger l’empire dans les calamités du siècle précédent : mais les sentimens d’honneur et de reconnaissance qui doivent régler invariablement la conduite des citoyens sont quelquefois contraints de céder dans l’âme d’un monarque à des devoirs supérieurs ; les lois de la justice et de l’humanité tolèrent l’impunité du crime même le plus atroce lorsque sa punition entraînerait inévitablement la perte d’un grand nombre d’innocens. L’assassin de Gratien avait sans doute usurpé le gouvernement des provinces les plus belliqueuses de l’empire, mais ces provinces se trouvaient réellement en sa possession. L’Orient était épuisé par les revers et même par le succès de la guerre des Goths ; il y avait lieu de craindre qu’après avoir consumé le reste des forces de la république dans une guerre destructive et douteuse, le vainqueur affaibli ne devînt bientôt la proie des Barbares du Nord. Ces puissantes considérations forcèrent Théodose à dissimuler son ressentiment et à accepter l’alliance de Maxime ; mais il stipula que le nouvel empereur se contenterait des provinces au-delà des Alpes et que le frère de Gratien conserverait la souveraineté de l’Italie, de l’Afrique et de l’Illyrie occidentale. On inséra dans le traité quel-