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Fuite et mort de Gratien.

Mais il n’était pas moins dangereux de refuser l’empire ; et dès que Maxime eut violé la fidélité qu’il devait à son souverain, il ne put se flatter ni de régner, ni même de conserver la vie, s’il bornait son ambition à la possession de la Bretagne. Il prit donc la résolution hardie et prudente de prévenir Gratien. Toute la jeunesse de l’île accourut en foule sous ses étendards, et il conduisit dans la Gaule une armée et une flotte dont on parla long-temps comme de l’émigration d’une partie considérable de la nation[1]. L’empereur, dans sa paisible résidence de Paris, fut alarmé à l’approche des rebelles. Les dards qu’il lançait contre les ours et contre les lions auraient été employés plus utilement contre ses ennemis ; mais la faiblesse de ses efforts faisant connaître l’abaissement dans lequel il était tombé et le peu d’espoir qui lui restait, le priva des ressources qu’il aurait

    sujet) de son mérite et de son innocence. Il est assez singulier que Maxime ait été traité moins favorablement par Zosime, l’ennemi juré de son rival.

  1. L’archevêque Usher (Antiq. brit. eccles., p. 107, 108) a rassemblé avec soin toutes les légendes de l’île et du continent. L’émigration totale consistait en trente mille soldats et cent mille plébéiens, qui s’établirent dans la Bretagne. Leurs épouses futures, sainte Ursule accompagnée de onze mille vierges nobles et de soixante mille plébéiennes, prirent une fausse route et abordèrent à Cologne, où les Huns les massacrèrent impitoyablement. Mais les plébéiennes n’ont point participé aux honneurs du martyre ; et ce qu’il y a de plus sûr, c’est que Jean Trithème a eu la hardiesse de citer la postérité de ces vierges bretonnes.