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trait souvent vêtu de l’habit fourré, armé de l’arc long et du bruyant carquois qui composaient le costume d’un guerrier scythe. Ce révoltant spectacle d’un prince romain qui renonçait à l’habillement et aux usages de son pays, enflammait les légions de douleur et d’indignation[1]. Les Germains eux-mêmes, qui composaient une si redoutable partie des armées de l’empire, affectaient de mépriser l’étrange et horrible figure des sauvages du Nord, qui, dans le cours de peu d’années, avaient poussé leurs courses vagabondes depuis le Volga jusqu’aux bords de la Seine. De bruyans et licencieux murmures s’élevèrent et se répondirent de tous les camps et de toutes les garnisons de l’Occident ; et comme la paisible indolence de Gratien négligea d’arrêter ces rumeurs dans leur commencement, l’influence de la crainte ne suppléa point au manque de respect et d’affection. Mais un gouvernement établi ne se renverse pas sans quelques difficultés, plus considérables encore en apparence qu’elles ne le sont en réalité. L’empire de l’habitude, la sanction des lois, la religion et la balance adroite des autorités civiles et militaires introduites par Constantin, protégeaient le trône de Gratien. Il n’est pas fort important de savoir

  1. Zosime (l. IV, p. 247) et Victor le jeune attribuent la révolution à la faveur qu’il accordait aux Alains et au ressentiment des troupes romaines. Dum exercitum negligeret, et paucos ex Alanis, quos ingenti auro ad se transtulerat, anteferret veteri ac romano militi.