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dre, dans l’obscurité de la nuit, l’armée romaine endormie, et cette multitude crédule s’embarqua précipitamment dans trois mille canots[1]. Les plus braves des Ostrogoths formaient l’avant-garde. Le corps de la flotte portait le reste des hommes et des soldats, et les femmes avec les enfans suivaient sans crainte à l’arrière-garde. Ils avaient choisi pour l’exécution de leur dessein, une nuit très-obscure, et ils étaient au moment d’arriver à la rive méridionale du Danube, dans la ferme confiance qu’ils débarqueraient sans peine et surprendraient facilement un camp mal gardé ; mais un obstacle inattendu leur coupa le passage ; un triple rang de vaisseaux solidement liés l’un avec l’autre, formait une chaîne impénétrable de deux milles et demi le long de la rivière. Tandis que par un combat très-inégal ils tâchaient de se faire un chemin, leur aile droite fut écrasée par l’attaque irrésistible d’une flotte de galères qui descendait le fleuve par la double impulsion des rames et du courant. Le poids et la rapidité de ces bâtimens de guerre brisèrent, coulèrent à fond et dispersèrent les faibles canots des Barbares, et leur

  1. La raison et l’exemple m’autorisent à appliquer ce nom indien aux μονοξυλα des Barbares, des bateaux creusés dans un seul arbre, πληθει μονοξυλων εμβιβασαντες. (Zosime, l. IV, p. 253.)

    Ausi Danubium quondam tranare Gruthungi,
    In lintres fregere nemus : ter mille ruebant
    Per fluvium plenæ cuneis immanibus alni.

        Claud., in IV consul. Honor., 623.