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quilles dans cette vaste enceinte[1], ils y jouissaient du fruit de leur valeur et des dépouilles de la province. Au milieu de leurs débauches, le vigilant Fritigern examinait les mouvemens et pénétrait les desseins de ses ennemis. Il voyait toujours le nombre des Romains s’augmenter ; et comme il ne doutait point qu’ils n’eussent l’intention de tomber sur son arrière-garde lorsque la disette du fourrage l’obligerait à lever son camp, il rappela tous les détachemens qui battaient le pays. Dès qu’ils aperçurent les fanaux enflammés[2], ils obéirent, avec une incroyable rapidité, au signal de leur commandant. Le camp se remplit d’une foule guerrière ; ses clameurs impatientes demandaient la bataille, et le courage des chefs approuvait et animait encore le zèle tumultueux des soldats. La nuit approchait, et les deux armées se préparèrent à fondre l’une sur l’autre au point du jour. Tandis que les trompettes faisaient entendre

    milles au nord de Tomi, où Ovide fut exilé, et le nom de Salices (Saules) explique la nature du terrain.

  1. Cette enceinte de chariots (carrago) était la fortification ordinaire des Barbares. (Vegetius, De re militari, l. III, c. 10 ; Valois, ad Ammien, XXXI,7.) Leurs descendans en conservèrent le nom et l’usage jusqu’au quinzième siècle. Le charroi qui environnait l’armée doit être une phrase familière à ceux qui ont lu Froissard ou Comines.
  2. Statim ut accensi malleoli. Je me sers de l’expression littérale de torches ou fanaux ; mais je soupçonne que c’est une de ces pompeuses métaphores, un de ces ornemens trompeurs qui défigurent perpétuellement le style d’Ammien.