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de seize ans il vivait encore, mais on lui avait déjà fait perdre un œil, et sa malheureuse mère tremblait à tout moment qu’on ne vînt arracher de ses bras cette victime innocente, pour tranquilliser, par sa mort, la méfiance du prince régnant[1].

Après la mort de Jovien, le trône du monde romain demeura[2] dix jours sans maître. Les ministres et les généraux tenaient toujours les conseils et exerçaient les fonctions dont ils étaient spécialement chargés. Ils maintinrent l’ordre public et conduisirent paisiblement l’armée à Nicée en Bithynie, où se devait faire l’élection[3]. Dans une assemblée solen-

  1. Saint Chrysostôme, t. I, p. 336-344, édit. Montfaucon. L’orateur chrétien essaie de consoler une veuve par l’exemple des illustres infortunés. Il observe que neuf empereurs qui avaient régné de son temps, en y comprenant Gallus, Constantin et Constance, étaient les seuls qui eussent terminé leur vie par une mort naturelle. De telles consolations n’ont jamais eu le pouvoir de sécher une seule larme.
  2. Dix jours paraissent à peine suffisans pour la marche et pour l’élection ; mais on peut observer, 1o. que les généraux avaient le droit de se servir des postes publiques pour eux, pour leur suite et pour leurs commissions ; 2o. que les troupes, pour le soulagement des villes, marchaient en plusieurs divisions, et que l’avant-garde pouvait être arrivée à Nicée, tandis que l’arrière-garde était encore à Ancyre.
  3. Ammien, XXVI, I ; Zosime, l. III, p. 198 ; Philostorg., l. VIII, c. 8 ; et Godefr., Dissert., p. 334. Philostorgius, qui semble avoir rassemblé des détails curieux et authentiques, attribue le choix de Valentinien au préfet Salluste, au maître