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nelle de Maxime et de Lupicinus. Ces ministres artificieux, substituant la ruse de quelques expediens momentanés à la sagesse d’un plan général, essayèrent d’éloigner les Goths des frontières de l’empire et de les disperser en différens cantonnemens situés dans l’intérieur des provinces. Sentant bien qu’ils avaient peu mérité le respect ou l’obéissance des Barbares, ils rassemblèrent à la hâte une force militaire capable de hâter la marche tardive d’un peuple qui, obéissant avec répugnance, n’avait cependant pas encore renoncé au titre et aux devoirs de sujets de l’Empire romain : mais les généraux de Valens, uniquement occupés du ressentiment des Visigoths, eurent l’imprudence de désarmer les vaisseaux et les forts qui défendaient le passage du Danube. Ce fatal oubli fut promptement aperçu et mis à profit par Saphrax et Alathéus, qui guettaient avec inquiétude le moment favorable d’échapper à la poursuite des Huns. À l’aide des bateaux et des radeaux qu’ils purent rassembler à la hâte, les chefs des Ostrogoths transportèrent, sans opposition, leur jeune roi et leur armée, et les Romains virent un camp indépendant et téméraire se fixer audacieusement sur leurs terres[1].

Révolte des Goths dans la Mœsie, et leurs premières victoires.

Sous le nom de juges, Alavivus et Fritigern gouvernaient les Visigoths en temps de guerre et en temps de paix, et le consentement libre de la nation avait ratifié le pouvoir qu’ils tenaient de leur naissance. Dans un temps de tranquillité, leur autorité

  1. Ammien, XXXI, 4, 5.