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principal historien de ce siècle affirme sérieusement que la multitude innombrable des Goths pouvait faire croire aux prodigieuses armées de Darius et de Xerxès, regardées jusqu’alors comme de vaines fables adoptées par une antiquité crédule. Un dénombrement qui paraît assez probable fait monter les guerriers des Goths à deux cent mille hommes : en ajoutant une juste proportion de femmes, d’enfans et d’esclaves, la totalité de cette redoutable émigration peut être évaluée à un million de personnes de tout sexe et de tout âge. Les enfans, du moins ceux des personnages au-dessus du commun, furent séparés du reste du peuple ; on les conduisit sans délai dans les différens endroits choisis pour leur résidence et leur éducation, et sur toute leur route, ces otages ou ces captifs excitèrent, par leur riche et brillante parure, par leur figure robuste et martiale, l’étonnement et l’envie des habitans des provinces. Mais la clause la plus humiliante pour les Barbares, et la plus importante pour les Romains, fut honteusement éludée. Les Goths, croyant leur gloire et leur sûreté également intéressées à la conservation de leurs armes, se montrèrent disposés à les racheter d’un prix bien propre à tenter les désirs ou l’avarice des officiers impériaux. Pour conserver leurs armes, ces orgueilleux Barbares consentirent, bien qu’avec quelque répugnance, à prostituer leurs femmes et leurs filles. Les charmes d’une jeune beauté, ou ceux d’un jeune garçon, étaient des moyens indubitables pour s’assurer la connivence des inspecteurs, dont la cupi-