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Valens se trouvait privé de la ressource favorite des âmes faibles et timides qui regardent les délais et les réponses équivoques comme l’effort de la prudence la plus consommée. Tant que les passions et les intérêts subsisteront parmi les hommes, les mêmes questions débattues dans les conseils de l’antiquité, relativement à la paix ou à la guerre, à la justice ou à la politique, se représenteront fréquemment dans les délibérations des conseils modernes ; mais le plus habile ministre de l’Europe n’a jamais eu à considérer l’avantage ou le danger d’admettre ou de repousser une innombrable multitude de Barbares, contraints par la faim et par le désespoir à solliciter un établissement sur les terres d’une nation civilisée. L’examen d’une proposition si intimement liée avec la sûreté publique, embarrassa et divisa le conseil de Valens ; mais ils adoptèrent tous bientôt le sentiment qui satisfaisait la vanité, l’indolence et l’avarice de leur souverain. Les esclaves, décorés du titre de préfet ou de général, déguisant ou ignorant le danger d’une émigration nationale, si excessivement différente des colonies partielles qu’on avait reçues accidentellement sur les frontières de l’empire, rendirent grâce à la fortune qui amenait des extrémités du globe une multitude de guerriers intrépides pour défendre le trône de Valens, dont les trésors pourraient désormais s’augmenter des sommes immenses que les provinciaux donnaient pour se dispenser du service militaire. La cour impériale accepta le service des Goths, et accorda leur