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Mores, le vaste désert du sud s’étend à plus de mille milles jusqu’aux bords du Niger. Les anciens, qui connaissaient très-imparfaitement la grande péninsule d’Afrique, ont été quelquefois disposés à croire que la zone torride n’était point susceptible d’être habitée par des hommes[1] ; d’autres fois ils la peuplaient au gré de leur imagination d’hommes sans tête ou plutôt de monstres[2], de satyres avec des cornes et des pieds fourchus[3], de centaures[4] et

  1. Les progrès de l’ancienne géographie réduisirent peu à peu cette zone inhabitable de quarante-cinq à vingt-quatre, ou même à seize degrés de latitude. (Voyez une note savante du docteur Robertson, Hist. d’Amér., vol. I, p. 426.)
  2. Intra, si credere libet, vix jam homines et magis semiferi… Blemmyes, Satyri, etc. Pomponius-Mela, I, 4, p. 26, éd. Voss. in-8o. Pline explique philosophiquement les irrégularités de la nature que sa crédulité avait admises (v. 8).
  3. Si le satyre est le même que l’orang-outang ou singe de la grande espèce (Buffon, Hist. nat., t. XIV, p. 43), il est possible qu’on en ait vu un à Alexandrie sous le règne de Constantin. Il reste cependant toujours un peu de difficulté, relativement à la conversation que saint Antoine eut avec un de ces pieux sauvages dans le désert de la Thébaïde. (Saint Jérôme, in vit. Paul. eremit., t. I, p. 238.)
  4. Saint Antoine rencontra aussi un de ces monstres dont l’empereur Claude affirma sérieusement l’existence. Le public s’en moquait ; mais son préfet d’Égypte eut l’adresse d’envoyer une préparation artificielle, qui passa pour le corps embaumé d’un hippocentaure, et que l’on conserva durant plus d’un siècle dans le palais impérial. (Voy. Pline, Hist. nat., VII, 3 ; et les Observations judicieuses de Fréret. Mém. de l’Acad., t. VII, p. 321, etc.)